Les larmes du Sirain

Cela faisait maintenant plusieurs jours que Bingold m'avait quitté. J'étais parti avec lui pour la jungle sauvage en passant à travers le Grand Tout-Chaud. Les bébés Archélions et les Cobraséros nous avaient mis à rude épreuve. Nous sommes arrivés ensemble aux portes de la jungle. En vue de la forêt, nous avions alors commencé à nous disputer à propos de la meilleure façon de tuer une fauve-souris.

Un brusque silence autour de nous fit cesser la dispute. Nous étions cernés par des korgons au beau milieu d'une clairière. Ils avaient l'air de dormir ou de digérer, va savoir avec ces bêtes là ...

Soudain un chuchotement au milieu du silence capta notre attention. Une jeune femme nous faisais signe d'approcher d'elle, au milieu des Korgons …

- Salut, éleveur... Ne fais pas un bruit, il ne faut surtout pas déranger les Korgons !
- Les Korgons ?
- Oui, ce sont les petites créatures qui se sont installées ici. De vraies petites teignes si on n'y prête pas gare ! Déjà, ne les regarde surtout pas dans les yeux... Et si l'un d'eux s'approche trop, tu peux toujours essayer de lui donner un bout de bois à grignoter
- Il ne faut pas les regarder ?
- Ils pourraient prendre ça pour un défi ! Et là, je vous laisse imaginer ce qui se passerait si tous les Korgons du campement se mettaient dans la tête que vous étiez un ennemi... Les derniers à avoir essayé ont été servis en souper le soir même.
- Ils mangent du bois ?
- Ils adorent ça ! C'est d'ailleurs la raison pour laquelle ils se sont installés dans la Jungle de Grumhel. Fascinant n'est-ce pas ? Mais malheureusement pour nous, ils sont capables de manger tout et n'importe quoi, y compris les voyageurs imprudents.
- Personne n’en a jamais dressé ?
- Il y a bien longtemps, je pense que les Korgons étaient domestiqués. Probablement bien avant la chute de l'île de Jazz... Mais aujourd'hui, ils sont revenus totalement à l'état sauvage ! Pas moyen de les approcher sans risquer d'y perdre un bras. Quelques éleveurs s'y sont aussi frottés, mais personne n'a obtenu mieux de leur part qu'un grand coup de dents
- Tout ça est vraiment passionnant !
- N'est-ce pas ! Je suis heureuse de voir que ces adorables Korgons vous plaisent autant ! Si cela vous intéresse, vous pourriez me rendre quelques petits services au Camp ?
- Avec plaisir !
- Parfait ! Voilà ce dont j'ai besoin...
La Jungle de Grumhel est un endroit fascinant ! Tenez, prenez les korgons par exemple. Ils se sont adaptés à merveille à leur environnement ! Saviez-vous qu'ils fabriquaient leur propre palmes afin de pouvoir traverser sans encombre le fleuve Jumin ? Non ? Tenez, je veux bien vous en offrir une paire si vous me ramenez quelques fournitures de première nécessité...

Bingold partit pour cette première mission. J’en profitais pour rester au camp et apprendre le plus de choses possibles sur les Korgons auprès de Dian, et de par là sur ce monde qui n’est pas le mien. Mon fidèle dinoz faisait preuve de son efficacité habituelle, je décidais de le laisser seul auprès de Dian pour l’aider à mener à bien ses études au travers des missions. Bingold avait l’air particulièrement fier de la confiance que je plaçais alors en lui.

Et c’est au cours de sa dernière mission que cela arriva …

Bingold s’enfonçait dans la jungle sauvage depuis le fleuve Jumin. Connaissant le caractère du sirain, probablement qu’il râlait à mon encontre de l’avoir laissé à disposition d’une folle. Les Roncivores, Korgons et autres Fauves-souris lui pourrissaient la vie, en plus des désagréments dus à la chaleur et aux moustiques. Il devait aller chercher une espèce particulière d’arbre qu’on lui disait être à la porte de Sylvenoire. En ahanant, il arriva enfin à proximité de son but.

Soudain, il entendit des cris de bataille. Au vu de son esprit belliqueux, il ne put que foncer voir ce qu’il se passait.

La suit de ce que je vais maintenant vous raconter est mot pour mot son récit des événements :

« Ze déboulais dans zune p’tite clairière, dans laquelle une femelle wanwan très mal en point défendait son p’tit contre zune demi-douzaine de Korgons valides. Zune demi-douzaines d’autres zizaient zaux zol, comme désiquetés zou grillés par la foudre. Mon arrivée brutale dans la clairière les troubla tous… enfin presque… (Bingold avait l’air de se sentir coupable) Zune de zes zales bêtes profita de la diztraction de la wanwan pour lui porter zun coup fatal… De voir ze coup en lâche me mis en colère et ze me zetait dans la bagarre à coup de zels, de canons à eau et dousses écozaize… Z’est fait plaze nette quoi… Zune fois les Korgons éradiqués, ze m’approsa de la wanwan. Elle était en train de mourir. Elle ezayait de me parler, mais ne pouvait pas. Zon regard parla pour elle… elle me confiait zon petit… Il m’a fallu pluzieurs zours pour réussir zet la mission zet à ramener la petite zaine et zaufe vers le camp de Korgzey où ze t’attendait pour te demander que faire de zà… »

Il me revient maintenant de conclure provisoirement cette histoire…

Avec Braunstar, mon Moueffe, nous avions traversé les Iles Atlantéinées et la forêt de Grumhel pour rejoindre Bingold dont je n’avais plus aucune nouvelles. Cela m’inquiétait.

En arrivant en vue du camp Korgon, je rappelais une dernière fois à Braunstar les consignes de Dian, sur le comportement à adopter. En arrivant, je ne trouvais d’abord personne. Puis je vis Dian sortir doucement d’un fourré avec une … boule de poils blanche dans les bras et Bingold sur les talons.

Mon sirain m’intriguait, il se comportait comme un chien battu. J’allais lui parler lorsque la scientifique m’interrompit en se lançant dans un éloge dithyrambique de Bingold, vantant ses mérites, particulièrement son courage et sa ténacité.

- Je vous remercie, je connais fort bien ses qualités et cela me fait plaisir pour lui, mais alors pourquoi, si vous êtes si contente de ses services, a-t-il l’air si défait ?
- Il craint votre colère.
- Ma colère ?!?!?!?!? Mais pourquoi donc ?
- A cause de ceci !

Et voilà qu’en même temps, elle me fourre dans les bras la boule blanche. Ma surprise est totale quand un museau avec de grands yeux jaunes me fixent, un superbe bébé wanwan. Je n’ai pas le temps de me remettre que Bingold, d’un ton monocorde, me raconte toute l’histoire du petit.

« Tu n’as rien à te reprocher mon ami. J’aurai agi tout comme toi. »

A ma grande surprise, c’était mon taciturne Braunstar qui voulait réconforter son ami. Moi, je mis à genoux pour lui dire droit dans les yeux :

« - Tu ne peux pas savoir à quel point je suis fier de toi. Cette petite, je vais l’élever, soit pour elle un mentor dont elle peut être fier… »

Comme cette petite crapule sait très bien comment profiter de tout le monde. Comme elle sait très bien comme faire pour être cajolée, je décidai de la baptiser Gimmeakiss …

Par la suite Bingold décida de retourner dans la jungle sauvage, vers la porte de Sylvenoire où il rencontra un étrange gardien. Ironie du sort, il se libéra de sa "faute" en tombant sous les coups d’un groupe de Korgons dans la jungle de Saru…

Il fut sauvé par des dinoz étrange, c’est tout ce qu’il accepta de me dire, le reste, il refuse catégoriquement d’en parler … Depuis ce jour, ses larmes cessèrent enfin de couler…

Bien du temps à passer, Gimmeakiss a bien grandi, mais de ses aventures je vous parlerai un autre jour, car c’est là une bien longue histoire…